Aujourd’hui, j’ai envie de vous partager mes réflexions sur l’écoute… D’abord parce que c’est un peu la suite logique de l’auto-empathie (c’est bien de s’écouter soi-même, mais parfois, on a aussi besoin que d’autres nous écoutent) et aussi parce que c’est un domaine où même avec la meilleure volonté du monde on peut complètement échouer à faire ce qu’on avait l’intention de faire, c’est à dire apporter notre soutien à l’autre. Et ça, c’est dramatique.
Ca m’est arrivé plusieurs fois d’appeler des copines pour leur raconter mes malheurs (oui, moi je fais partie de ces gens qui peuvent dire, comme Mark Twain « Ma vie est une somme de terribles malheurs dont la plupart ne sont jamais arrivés. ») et d’avoir l’impression que je n’étais pas écoutée comme j’aurais aimé l’être.

Pendant longtemps, je n’ai pas compris pourquoi : mes ami.es m’écoutent avec respect, amour, iels me donnent de leur temps, de leur énergie.. .alors quoi ? Que demande le peuple ?

C’est en découvrant « les obstacles à la communication » tels que décrits par Marshall Rosenberg que j’ai pu mettre le doigt plus finement sur ce qui me chagrinait. (En faisant des recherches, il semblerait que ce soit Thomas Gordon qui les ait définis en premier… mais peu importe)… et ainsi me rendre compte que je faisais subir exactement la même chose à mes ami.es ! AAAaargh…

Les voici :

Conseiller : Les conseils sont souvent cachés derrière des phrases qui commencent par « Tu devrais… » « Est-ce que tu as pensé à… » « Moi à ta place… » « Je ne sais pas ce que tu en penses mais… » « Je crois qu’il faudrait… » et autres yaka fokon que je trouve dans ces moments-là tout à fait insupportables à entendre. Et vous aussi ! Voici pourquoi :

Et d’une, vous y avez sûrement déjà pensé mais n’y arrivez pas… et de vous entendre dire de faire cette chose que je vous n’arrivez pas à faire vous fait vous sentir encore plus nul.le…

Et de deux, parfois, les conseils sont très bons… pour d’autres. Mais vous ne voyez pas comment ils pourraient s’appliquer à vous.

Ou, de trois… et c’est le cas le plus fréquent, ils pourraient vous être très utiles mais vous n’êtes pas du tout en état de les entendre pour l’instant. Plus tard, peut-être, quand vous serez un peu calmé.e, rassuré.e, mais pas maintenant, en plein milieu de ma crise.

Hélas, je ne suis pas la dernière à avoir envie de donner des conseils. Parfois, ça me brûle les lèvres, parce que oui, moi, j’ai la solution pour vous. Maintenant, j’arrive à freiner mes ardeurs, à laisser le flot de parole passer… Et à demander « voudrais-tu savoir ce que j’en pense ? » ce qui permet à l’autre de me répondre « oui, mais pas tout de suite ». Ou « non! »…

Interpréter, diagnostiquer : même chose : ce n’est pas que mes interprétations soient forcément à côté de la plaque, il est souvent plus facile de voir les choses avec clarté quand on est pas soi-même pris dedans… Mais là tout de suite, ça ne vous aide pas du tout de savoir que votre tristesse est liée à votre petite enfance et à vos relations avec vos parents, pas plus que ça ne me soutient d’apprendre que je suis trop perfectionniste et que c’est pour ça que je m’énerve en réécrivant mon texte pour la 3e fois. Tout à l’heure peut-être, j’aurai pris un peu de recul et je te demanderai « t’en penses quoi ? » et il sera temps alors de me partager ton point de vue.

Minimiser : Ce processus est beaucoup utilisé par les parents : « ce n’est pas grave ! » vont-ils tenter de rassurer leur enfant qui s’est fait mal au genou. D’un certain point de vue, c’est absolument vrai : il n’y a pas mort d’homme, a priori. Mais c’est probablement peu aidant pour l’enfant, qui lui, a bien mal ! Dans le même ordre d’idée il y a ces grandes phrases « une de perdue, dix de retrouvées » ce qui est toujours utile quand on pleure l’être aimé… ou pire « de toute façon c’était un.e con.ne »… Bref, vous l’avez compris : votre intention de me rassurer en me montrant que ce n’est pas si grave part d’une bonne intention, mais échoue à me faire du bien. Parce que ce faisant, vous niez ma douleur (ou en tout cas, c’est ainsi que je peux interpréter les choses), vous me faites comprendre bien malgré vous que j’ai tort d’avoir mal… et à la tristesse/colère, etc, s’ajoute alors de la culpabilité. Ben, oui, c’est nul d’avoir mal alors qu’il n’y a aucune raison valable à vos yeux.

Enquêter, questionner, interroger : c’est ma stratégie numéro un, mea culpa. Je pose des questions dans l’espoir d’aider l’autre à faire le clair sur ce qu’il ressent, à cerner le problème, à en voir tous les enjeux… Ce faisant, je le prive de son propre cheminement, de son propre raisonnement. Je l’amène sur mon terrain au lieu de le.a laisser explorer à son rythme, à sa façon, les méandres de sa douleur. J’ai pu recevoir parfois de l’écoute silencieuse pendant un temps assez long et j’ai été stupéfaite de découvrir à quelle profondeur je pouvais descendre en moi si je n’étais pas interrompue, interrogée, déconcentrée en un mot.

De la même manière, on peut ramener les choses à soi : « ça me fait penser à… » « c’est comme moi… ». Bien sûr, mon expérience est très intéressante. La preuve, c’est à moi qu’elle est arrivée ! 🙂 Et j’ai très envie de la partager pour que mes erreurs puissent servir à d’autres, j’ai très envie de faire gagner du temps à mes ami.es… Mais chacun doit suivre son propre chemin et tout ce que je peux dire de moi ne fait parfois qu’interférer avec, une fois encore, le cheminement de la personne que j’écoute, qui a ses propres façons de penser et ses propres leçons à apprendre (si tant est qu’il y ait des leçons à apprendre).

Distraire, blaguer, esquiver : alors oui, je sais, ça allège parfois les choses. C’est d’ailleurs votre intention, je n’en doute pas (c’est une stratégie que j’utilise peu, ayant la croyance que je ne suis pas très drôle, mais mes enfants ne manquent pas de me le faire remarquer quand je m’aventure sur ce terrain). Il y a un temps pour tout ( et un moment pour toute chose sous le ciel, d’après la Bible) et je serai très heureuse de rire de tous mes rires… une fois que j’aurai pleuré toutes mes larmes ! En attendant, j’ai besoin de traverser ce que je traverse, pas qu’on me détourne de mon chemin.

Dans la série qui me hérisse les poils, il y a encore « moraliser, prêcher, faire la leçon » et autres « je t’avais prévenu » « De toute façon c’était une très mauvaise idée… »… Ben… et mon chagrin, on en fait quoi ? C’était peut-être une très mauvaise idée… Et alors ? Pour l’instant, il n’est pas encore temps de tirer des leçons de mes actions. Il est temps de vivre l’émotion qui me déborde.

Et le plus pervers de tous : rassurer, consoler. Ah, combien de fois ai-je voulu consoler quelqu’un.e avant de me rendre compte que je trouvais ça totalement désagréable quand on essayait de me consoler ? C’est un peu comme minimiser. « ca va aller ». Peut-être, mais je n’en sais rien et vous non plus. « tu sais, tu n’as rien loupé, la soirée était nulle » euh… Moi j’avais très envie d’y aller et je suis sûre que j’aurais passé un très bon moment… et je suis déçue et contrariée de ne pas avoir été invitée ! Et vexée peut-être aussi !

J’ai trouvé fascinant de me rendre compte que les raisons pour lesquelles je mettais en place toutes ces stratégies pour, en gros, faire en sorte que l’autre aille mieux le plus vite possible, c’était pour faire cesser mon propre inconfort.
Ben oui, c’est vraiment difficile pour moi de voir mon ami.e pleurer, être en colère, être désespéré.e… Et si je peux lui changer les idées, alors mon inconfort diminue… J’ai mis des années à me rendre compte que c’était contre-productif – et même maintenant que je le sais, j’ai encore du mal à me taire !

Et c’est là que l’auto-empathie revient sur le devant de la scène : quand l’autre va mal, je prends soin de moi si c’est difficile, plutôt que de tenter de balayer d’un revers de la main sa douleur. Enfin, on s’entend : j’essaie ! Et j’essaie encore…

Et vous, vous faites comment pour écouter ?

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Cette publication a un commentaire

  1. Geneviève

    Salut Alice,
    dans toutes sortes de situations, et en particulier dans mes cours, j’essaie de mettre en place des moments où l’on s’écoute, simplement. Je crois que l’écoute pure est un apprentissage qui nécessite des leçons. J’indique par exemple que si je ne suis pas d’accord avec quelque chose, je peux juste respirer profondément et me rappeler que la parole de l’autre ne m’implique pas.
    Avec mon partenaire, nous pratiquons parfois la dyade : durant un temps prédéfini, l’un après l’autre s’exprime sur une difficulté rencontrée dans le couple (ou autre) et est juste écoutée complètement. Celui qui écoute peut dire « précise », « résume » ou reposer la question choisie mais ne s’octroie aucun espace dans ce temps de parole. Il peut aussi dire merci à chaque information reçu pour permettre à celui qui parle de se rendre compte du nombre d’informations qu’il donne. Lorsque le réveil sonne, on change. C’est extra pour en apprendre plus sur ce que vit l’autre !
    Avec mes enfants-adultes, j’ai remarqué que lorsque je les écoute sans m’exprimer, ils s’énervent. Comme s’ils se sentent perdus dans cette écoute ininterrompue. Alors je leur demande de me confirmer qu’ils souhaitent entendre mon avis là-dessus et si c’est le cas, je leur donne.
    Pour ma part, ce qui me permet d’offrir une écoute attentive est le cadre horaire convenu au départ entre les parties.

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