J’ai toujours été plutôt angoissée… et j’ai souvent «géré » mes angoisses en anticipant tout.

Petite, j’avais programmé toute ma vie d’adulte. A 8 ans, je savais que je voulais devenir danseuse, que j’aurais des enfants et un jardin pour qu’ils puissent faire de la balançoire (mes copines avaient des portiques et ça me semblait l’élément indispensable pour faire grandir des enfants heureux et en bonne santé!). Je savais que je ferais des études longues, pour avoir « un bon métier ».

Bon, évidemment, les choses ne se sont pas tout à fait passées comme prévu, mais j’ai quand même plus ou moins suivi le scénario que j’avais écrit pour moi (avec quelques renoncements, retours à la case départ et renégociations).

Plus tard, lorsque j’ai commencé mes études, après avoir appris que tout ne se passait pas toujours comme prévu, j’ai pris l’habitude d’avoir toujours un plan A, un plan B et même un plan C, parce qu’on ne sait jamais. Ainsi, j’évitais de me mettre une pression qui aurait été insupportable à gérer et j’étais sûre d’arriver quelque part, de ne pas me retrouver à devoir faire face à une situation totalement inconnue.

Depuis, la situation a bien changé.

Il me semble que je ne peux plus rien anticiper.

J’ai l’impression que le sol stable sur lequel je construisais ma vie est en train de s’éroder jour après jour. J’ai l’impression que trop de catastrophes nous guettent et je ne sais pas de quel côté ça s’écroulera en premier. Du coup, je ne sais pas comment me préparer.

Je lis peut-être beaucoup trop d’articles sur la collapsologie, j’écoute trop de podcasts sur la fin de notre civilisation… mais le fait est que je crois vraiment que notre monde est en train de changer et que ce qu’on a connu va se transformer rapidement et d’une façon qu’il est très difficile d’anticiper.
Du coup… Préparer la suite, certes, mais quelle suite ?

Je pensais, au début de l’écriture de cet article, vous partager comment j’avais arrêter d’anticiper… et comment je m’en contentais. Mais la vérité, c’est que je ne m’en contente pas.

Je vois bien que je continue à essayer d’anticiper. Que je cogite à l’avenir tous les jours et toutes mes nuits d’insomnies.

Que mon cerveau rame, ne trouve pas beaucoup de prises. Cherche quand même. Tente d’inventer. De se raccrocher à toutes les cordes et même les ficelles les plus minces… De revenir aux recettes éprouvées du passé puis de se remettre à chercher du neuf…

J’ai l’impression que ce n’est pas possible pour moi de ne rien anticiper.

Mais anticiper, ça veut dire croire à quelque chose. Et c’est là que le bat blesse. Parce que ma confiance est volatile !

Je vois que j’avance sur un point, puis je recule. Un jour je me dis que je vais vraiment essayer de créer un espace pour vivre en communauté – le lendemain je n’ai pas l’énergie, je ne suis pas faite pour ça je suis bien trop sauvage et puis je ne sais pas où m’installer…

Un jour je m’inscris à un cours pour apprendre à reconnaître les plantes sauvages comestibles mais je m’arrête quand je me mets à penser que le réchauffement climatique est tel que plus rien ne poussera de toute façon pour cause de sécheresse l’été, inondations l’hiver.

Pourtant, il y a des petites choses que je peux faire. J’ai l’intention, par exemple, de planter plein d’arbres fruitiers dans mon futur jardin même si parfois je me dis que je serai quand même à la merci d’un incendie, tels ceux qui ont ravagé l’Australie à l’automne. Ou qu’il n’y aura bientôt plus d’abeille pour les fertiliser… mais quand même, malgré ça, je vais les planter, ces arbres.

Alors, pourquoi est-ce que là je peux agir ?

Je pense que c’est parce que c’est assez facile à faire.Ça ne demande pas une détermination sans faille, ni une grande croyance en l’avenir. Ni un changement radical dans ma façon de vivre.
Et puis aussi parce que le plaisir de planter un arbre est immédiat. Je vais en profiter dès demain, voir croitre ses feuilles, et peut-être même goûter un fruit ou deux dès cet été ou le prochain. Bien sûr, c’est loin d’être suffisant. Ça ne changera rien pour les autres et pas grand chose pour moi…

Mais, quand même, ça me donne des indications pour la suite : faire des petits pas, se fixer de tous petits objectifs pour commencer… Ne pas essayer de tout bouleverser d’un coup, même si une partie de moi hurle qu’il y a urgence.

Et poser des actes pour le présent. Vivre, en un mot…..

Je me dis qu’il faut que la sidération et la terreur passent. Qu’il faut le temps de les digérer. Et que si je ne me donne pas le temps, de toute façon je n’arriverai à rien.

Donc j’en reviens à ce que je disais : vivre. Et pour l’instant ça veut dire  vivre avec ce qui est, dont mon incapacité à me projeter… et l’espoir que bientôt, je sois à nouveau capable d’avancer.

 

(Pour en savoir plus sur notre inertie collective, cet article (que je n’ai pas lu jusqu’au bout))

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Cet article a 2 commentaires

  1. Cécile

    Hello Alice!!!
    J’ai grand plaisir à lire chacune de tes publications. Merci!!!
    Hmmm, le monge change, oui… Ma conviction est qu’il en a grand besoin et que nous irons forcément vers du meilleur, du plus cohérent, du plus dans le coeur.
    Je ne suis pas sujette aux angoisses sur l’inconnu à venir (je crois même que ça m’a toujours amusée et rassurée de chercher et découvrir le chemin ;-), donc j’ai bien conscience que je ne parle pas du même endroit que toi… Mais quand même… quelque chose que nous avons en commun est l’amour du Contact Impro, non? Et, dis-moi… est-ce qu’en dansant, tu sais à l’avance ou tu vas aller? As-tu prévu des plans A, B et C? Pour autant trouves-tu cela angoissant???
    Et si la vie que nous vivons actuellement était comme une grande jam… où ce qui nous est demandé est seulement de faire confiance, de s’écouter et de jouer (jouir) ?
    Qu’en penses-tu?
    Je t’embrasse très fort!
    Cécile (tu t’rappelles un stage avec Catherine Lessard à La Roche sur Yon,… pis d’autres chouettes moments…)

  2. Mariss

    Merci d’abord Alice pour nous faire part de tes réflexions sur le monde que j’ai toujours plaisir à lire !

    Je souhaiterais suite à cet article partager un conte. Sachant qu’un conte par définition, ça se raconte, donc par écrit, ça perd la moitié au moins de sa saveur mais tant pis. Je vais tenter court pour avoir une chance que ce soit lu jusqu’au bout ! 😉
    Le flocon de neige
    Chaque hiver, dans le bois d’à côté, la mésange charbonnière attend sa copine la colombe, qui rentre de mission humanitaire, elle attend les dernières nouvelles du monde. En l’attendant cet hiver, elle regarde tomber les flocons de neige (eh oui, il y en a eu juste ce jour là !). Et puis tout à coup, au loin, elle voit une petite forme arriver. La colombe vole vers la branche où l’attend la mésange. Mais cet hiver, elle semble vraiment très fatiguée, on sent qu’elle a perdu des plumes. La colombe, se posant : « J’en peux plus, là. Je me sens découragée : Au Brésil, difficile ; au Sahel, c’est le bordel ; En Syrie trop de conflits… » La mésange la coupe et lui dit : « Sais tu combien pèse un flocon de neige ? »
    – Non, je ne sais pas, rien du tout…
    – Exact, rien du tout. Tu sais en t’attendant, j’ai regardé les flocons tomber un à un sur la branche du chêne là, et au tout dernier flocon, tu sais ce qui s’est passé ? La branche a cassé.
    – Tu voudrais dire qu’il suffit d’un rien, d’une seule personne, pour que les choses basculent et le monde reparte dans le bon sens ? La colombe s’est ébrouée, a regonflé ses plumes et est repartie…

    Je vous conseille aussi cette vidéo très sympa pour se rebooster sur Rob Greenfield : https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/video-la-drole-de-vie-de-mister-green_3839561.html

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