Monsieur le Président,
Je voudrais partager avec vous quelques interrogations.
Ma fille fait de la gym depuis 10 ans. C’est sa passion. Elle pratique deux à trois fois par semaine et ça l’aide à être une jeune fille joyeuse et épanouie. Pour pouvoir pratiquer, elle respecte toutes les règles, monsieur le Président. Même les plus absurdes. Elle met son masque, elle se fait tester deux fois par semaine depuis la fin septembre, sans jamais protester, elle respecte les gestes barrières… mais dans les prochains jours, avec l’application du passe vaccinal, les portes de son club de gym lui resteront fermées. Parce que ma fille, voyez-vous, n’est pas vaccinée et que vous avez décidé de l’emmerder.
Comment vais-je le lui expliquer? Dois-je lui dire que c’est une décision de son Président qui, au lieu d’agir pour le bien commun, préfère stigmatiser les non-vacciné.e.s et qu’il a donc, tout à fait tranquillement, décidé de lui interdire de continuer à pratiquer son activité favorite ?
Quels mots vais-je trouver pour lui expliquer que les lois qui devaient la protéger maintenant la mettent en danger ?
Monsieur le Président, je dirai quoi à ma fille, pour la consoler, pour la rassurer quand elle dira au revoir à son entraîneuse et à ses ami.e.s ?
Qu’il faut qu’elle se soumette à la loi du plus fort ? Qu’il ne sert à rien de résister, qu’elle sera, comme les autres, écrasée par la machine étatique ?
Si au moins ce produit que vous voulez nous injecter protégeait ! Même avec les effets secondaires délétères qui ne cessent d’augmenter, on pourrait tenter de comprendre… mais là, tout le monde s’accorde enfin à reconnaître que le vaccin ne donne qu’une protection limitée et qu’il n’empêche nullement d’être contagieux. De même, je pourrais tenter de me résigner si j’arrivais à comprendre votre logique, en me disant que vos décisions, pour injustes qu’elles m’apparaissent, sont au moins cohérentes avec les objectifs que vous dites vouloir obtenir. .. mais ma fille ne pourra pas aller dans son immense salle de gym, avec 3 mètres entre chaque gymnaste alors que le métro lui reste accessible… Non, je ne comprends pas, monsieur le Président. Enfin si, je comprends que vous voulez l’emmerder. Mais n’avez-vous pas passé l’âge où l’on joue encore à ça ?
Et avez-vous conscience, Monsieur le Président, que vous risquez de faire bien plus que de simplement l’emmerder ? Vous risquez de détruire à tout jamais sa confiance dans la justice de son pays, dans la bonté et le bon sens des êtres humains qui la gouvernent. En persévérant dans votre idée, vous mettez en danger sa santé physique en la privant d’exercice et sa santé mentale en lui faisant subir un tel traumatisme, une telle stigmatisation.
Je suis en colère et je suis triste, monsieur le Président. Ma fille va être punie, mais de quoi est-elle coupable ? A quelle loi n’a-t-elle pas obéi ? Quel désordre a-t-elle causé ?
Je ne comprends pas. Pardonnez ma bêtise ou mon ignorance, mais je ne comprends pas.
J’ai pourtant été à l’école de la République, où on m’a bien appris qu’il faut faire du sport pour être en bonne santé,. On m’a aussi inculqué des valeurs, monsieur le Président, que vous foulez de vos grands pieds de grand chef de l’État. On m’a répété qu’il faut respecter son prochain et que nous naissons libres et égaux en droit. Corollaire direct de cela, on m’a aussi expliqué que les discriminations entre les individus étaient interdites et passibles d’amendes et de peines d’emprisonnement. En grandissant, on m’a enseigné, enfin, que la justice doit être proportionnée… Et je ne comprends toujours pas. Pourtant, j’avais bien écouté. Mais rien ne me semble logique ou adapté à la situation. Voudrez-vous bien m’expliquer monsieur le Président, pourquoi vous nous faites ainsi la guerre ?
A l’école, on m’a aussi enseigné l’histoire, et j’ai un peu étudié l’apartheid et l’institutionnalisation du racisme et du sexisme … j’ai vu comment les génocides se mettent en place, j’ai analysé les étincelles qui mettent le feu aux guerres civiles. Et c’est toujours en montant une partie de la population contre une autre, Monsieur le Président, que ces choses arrivent. Vous avez fait de hautes et grandes études, dans des écoles prestigieuses et vous ne pouvez pas ignorer cela. C’est donc sciemment que vous attisez la haine et que vous préparez la guerre.
Le monde que vous nous proposez, monsieur le Président, un monde ou chacun, chacune sera chargé.e de surveiller son prochain, un monde ou nous serons toustes suspecté.e.s de nous rendre malades les unes les autres, un monde où les sourires sont cachés derrière des masques qui ne servent qu’à entretenir la peur – ce monde n’est pas le monde que je souhaite, ni pour moi, ni pour mes enfants, ni pour personne.
Vous voulez nous mettre à terre, nous soumettre, monsieur le Président, mais vous ne le pourrez pas. Et savez-vous pourquoi ? Parce que là où vous semez la haine, nous cultivons l’amour, là où vous portez la guerre nous retissons la paix. Et parce que même si vous tentez de nous interdire de danser, de chanter, de faire la fête, nous résistons, monsieur le Président. Nous chantons et nous dansons, hors des lieux consacrés, nous racontons des histoires et nous en écoutons. Et surtout, nous créons des liens partout où vous essayez de les détruire. Car nous sommes humaines et humains, et vivant.e.s et libres.
Alors cessez de nous harceler et laissez ma fille retourner à ses agrès.
Dans l’espoir de votre réponse, je vous souhaite une belle journée, monsieur le Président.
Sincèrement,
Alice Le Guiffant

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Cet article a 6 commentaires

  1. Patricia Mitton

    Bravo Alice.

    1. Alice

      Merci. Ca fait du bien tous ces soutiens !

  2. Stéphanie

    Merci Alice ! quel partage ! Je suis touchée et je te soutien dans cette incompréhension…

    1. Alice

      Merci… J’ai envoyé une version modifiée au conseil constitutionnel aussi…

  3. violette

    Merci, tellement merci !!!
    Je me suis souvent demandée ces derniers temps si on pouvait s’adresser directement à lui. Et voilà que tu le fais.
    Merci

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