Je porte mes morts.
C’est une sensation très étrange, mais qui devient un peu plus palpable et tangible au fur et à mesure que je perds des amis chers ou des membres de ma famille…
J’ai l’impression que tous les gens que j’ai aimé et qui sont morts sont maintenant en moi. Qu’ils continuent de vivre dans mon cœur, dans ma mémoire, bien sûr, qu’ils s’animent lorsque je pense à eux, bien sûr, mais cela va bien au delà de ça.
J’ai la sensation physique de leur présence en moi. Comme si je leur avais fait, bien malgré moi, un petit sanctuaire pour qu’ils puissent continuer de vivre, de me parler, d’exister.
Ils prennent une place réelle et je sens le poids (au sens littéral du terme, sans connotation péjorative) de leur présence dans la structure de mon être.

Et puis aussi, ils existent dans les espaces entre les choses.
Je ne sais pas ce que ça veut dire vraiment. Sauf que bien sûr, il n’apparaissent pas dans la matière mais que leur présence n’en est pas moins manifeste pour moi.
Parfois ils me parlent. Ils m’encouragent. Quand j’ai peur d’un truc, je pense à Lili et elle me dit « mais si, vas-y ».
Parfois ils vivent à travers moi. Comme ces glaces à la framboise et ces tartes à la rhubarbe que ma grand-mère continue (beaucoup plus rarement il est vrai) de faire par mes mains. Et que je mange en pensant à elle.
Souvent, je sens leur présence dans l’espace. Le sourire de Quentin a flotté longtemps sur la plupart des jams où j’allais (il est parti bouiner autre chose, je ne le vois plus à ces endroits-là en ce moment) et apparaissait aussi dans des moments incongrus, comme celui du chat dans Alice au pays des merveilles.. Et Jérôme se matérialise devant moi chaque fois que j’entends un rock’n’roll ! (Ce qu’il faisait déjà quand il était encore vivant, d’ailleurs, même si nous habitions loin l’un de l’autre!)

Mon arrière-grand-mère, Nénène, est morte quand j’avais 11 ans. Étonnamment, j’ai été beaucoup plus proche d’elle après sa mort qu’avant. Elle est devenue hyper présente. Tout à coup, elle m’accompagnait, me rassurait, me consolait. C’était très étrange ce soutien inattendu et surtout, cet amour que je n’avais jamais vraiment ressenti de son vivant ni dans un sens, ni tellement dans l’autre.

Je ne sais pas encore comment Audrey va se manifester en moi. Ce qui restera d’elle, en plus des souvenirs et de la douceur de son regard. Je suis curieuse et attentive.

Bref, les morts sont très vivants en moi ! Et ma question est la suivante : au fur et à mesure que les années vont passer, si je vis très longtemps, je porterai de plus en plus de morts. Des morts proches, des morts lointains… où vais-je les mettre ? Y aura-t-il assez de place en moi pour contenir toutes ces présences ?
En fait, je crois et je découvre cette croyance en écrivant ces mots, que mes morts s’incorporent dans ma chair, qu’ils s’amalgament à mon être, qu’ils deviennent moi un peu plus chaque jour, ou plutôt, que je deviens un peu eux. En tout cas, (ce n’est pas encore très clair) qu’il y a comme quelque chose d’une intégration de leur vie/mort dans mon être physico/psychique, si tant est que cela ait du sens.

Peut-être peut-on dire que je porte mes morts tout autant qu’ils me portent ?

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Cet article a 2 commentaires

  1. Laure de Cazenove

    Merci Alice ❤💕

    1. Alice

      Merci pour ton message…

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