S’asseoir. Prendre le temps de savoir comment je me sens. Prendre la plume et écrire. Ces gestes simples sont parfois si compliqué. Parce qu’ils m’amènent à voir, vraiment, comment je me sens. Et je n’ai pas toujours très envie…

Comment je me sens ? Pas trop mal, à vrai dire. Ma vie personnelle va plutôt bien, mes proches aussi il me semble…

Non, ce que parfois je préférerais ne pas voir mais que je vois quand même, c’est plutôt le vaste monde autour de moi… Je ne sais pas ce qui me travaille le plus entre la démocratie qui s’éteint lentement et le climat qui s’emballe, entre les espèces qui disparaissent à des vitesses hallucinantes, les forêts qui brûlent et les océans qui s’acidifient et qui contiendront bientôt plus de plastique que de poissons.

Avec tout ça, mes humeurs font les montagnes russes.

Je vis des moments de désespoir profond. Notamment quand je me relie au fait que c’est trop tard pour faire machine arrière. Et même pour simplement ralentir. Nous sommes, pour reprendre la métaphore de Pablo Servigne et Raphaël Stevens dans une voiture lancée à pleine vitesse, le mur n’est pas loin, mais on n’a plus de freins. Je sais, tu sais, nous savons, que nous fonçons dedans. Et qu’il n’y aura plus d’échappatoires. Nous les avons laissées passer… et nous laisserons passer les prochaines qui viendront, qui seront les dernières, parce que nous sommes coincés dans un fonctionnement qui nous dépasse. Et c’est ce monde que nous offrons à nos enfants… Je désespère quand je pense à eux : je ne veux pas qu’ils grandissent en enfer…

Je traverse aussi des moments de panique totale. A chaque degré de plus, le risque de conflit armé augmente (en lien avec la famine, mais pas que…). La disparition des abeilles supprimera un nombre d’espèces considérable, dont un certain nombre que nous consommons… Ces pensées, et d’autres, viennent alimenter le ballet des terreurs. Terreur de cette vie qui pourrait ressembler à mes pires cauchemars… J’ai peur que le monde de demain soit un monde où vivre sera insupportable, ou impossible.

Dans ces moments de panique et de désespoir, la pensée que je ne suis pas obligée de supporter l’insupportable, la pensée qu’on peut toujours choisir de mourir est un réel soulagement. Bien sûr, aujourd’hui, il ne me viendrait pas à l’idée de me suicider. Mais j’aime savoir que c’est une solution possible.

Sinon, quand je stresse trop, je tente de me décentrer, ou de me relier à plus grand que moi – je ne sais pas comment il faut dire ça. En tout cas, quand j’ai trop peur, trop mal, je tente de chercher un sens plus large, un cadre de référence plus grand. Par exemple, je me dis que c’est la 6e extinction massive. Nous seront peut-être tous morts, mais la planète s’en remettra. C’est une maigre consolation, mais je prends tout ce que je trouve.
Je me dis aussi que peut-être, ça a un sens… Si nous avons plusieurs vies, peut-être que ce que nous apprenons-là a un sens plus large ? Je ne sais pas bien lequel. Je cherche plus que je ne trouve… Mais je sens que j’ai besoin de trouver quelques réponses, ou de mes les fabriquer, pour pouvoir continuer à arpenter cette terre à peu près sereinement.
Ce sens serait peut-être une illusion, mais pas plus grave que les autres illusions qui nous ont fait vivre jusqu’à aujourd’hui (l’illusion de la croissance infinie sur une planète finie par exemple, ou l’illusion que demain tout ira bien, quand on aura passé notre diplôme ou fait refaire la piscine…, pour n’en citer que deux.)

J’ai souvent cette pensée qu’il faut urgemment profiter de chaque instant. J’ai toujours eu la conscience aiguë de ma mortalité mais je commence à me dire que ma fin arrivera peut-être plus tôt que ce que j’avais imaginé. Et pire encore, celle des gens que j’aime. C’est déroutant et nouveau. Alors je profite de tout à fond. Une baignade dans un lac. Un moment avec les gens que j’aime. Et l’immense beauté et générosité de la nature, dans les endroits où on ne l’a pas défigurée… En ce moment, les noisettes et les pommes tombent littéralement du ciel (via les arbres). C’est magique. Tant de bienfaits, tant de générosité… (et nous qui pillons, alors que la terre nous offre tout…)

Et puis, enfin et malgré tout, mon optimisme reprend parfois le dessus. Et je vis des moments d’espoir. Espoir non pas en un changement radical, un virage impossible à prendre, j’ai cessé de croire à ça. Nous ne limiterons pas la hausse du climat à 2%, nous continuerons de polluer les océans de nos plastiques jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de pétrole…etc. Donc, je ne crois à aucune amélioration de ce côté-là. Mais j’ai espoir que dans les épreuves à venir nous trouvions les ressources les plus belles de notre humanité. Le don. Le partage. L’écoute. La patience, etc… Que nous retrouvions le goût des choses simples. Se lever et marcher sur notre Terre Mère, profiter de ses merveilles et bienfaits…s’il en reste encore. Que nous retrouvions la valeur d’un sourire et la joie de nous entraider.

Je me dis que tant que nous serons vivants, que nous pourrons nous serrer dans les bras, faire l’amour, danser, chanter, sourire et rire… il sera possible de vivre heureux. Et ça aura du sens d’être vivant – et du goût.

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