Je sens que ce temps de confinement où toutes mes activités sont en pause, où il m’est impossible de ne rien prévoir ni organiser pour la suite est une invitation très forte à me mettre moi aussi en pause.

Action ô combien difficile. J’ai encore un peu pour habitude de courir d’un endroit à l’autre, de faire mille et une choses, si possible toutes en même temps, de vivre une incessante course en avant, de me cacher derrière mes emplois du temps trop plein, mes soi-disant activités indispensables, mes programmes…

Je sais bien pourquoi j’agis ainsi. Je sais bien que c’est un réflexe de fuite pour me protéger de pensées angoissantes, de réflexions douloureuses sur l’état du monde et sur moi-même et certainement aussi de pensées que je n’ai pas encore conscience d’avoir et qui me mettent en fuite chaque fois qu’elles affleurent à ma conscience. Mais je vois que cela me coupe aussi de joies et de plaisirs tout aussi intenses. J’ai depuis longtemps commencé à changer tout ça. J’avance sur cette voie de plus en plus sereinement au fur et à mesure des années qui passent. Mais c’est long. Et lent.

Et, là, c’est comme si on m’offrait du temps. Plein de temps. Avec, en prime, l’impossibilité de me cacher derrière des obligations qui ont disparu. Comme si on me disait : voilà, tu peux explorer tout ton saoul, tu as carte blanche. Vas-y, fonce. C’est à dire, arrête tout !

Alors, j’ai envie d’essayer encore plus.

Essayer d’arrêter de fuir. Essayer de m’asseoir pour goûter la caresse du soleil. Même si ce n’est que 2 minutes pour commencer. Essayer de regarder les nuages courir et se transformer sans culpabiliser parce que j’ai ça et ça et encore tout ça à faire.
Je veux tenter d’écouter tout ce qui se passe en moi et autour de moi, là, tout près. Tenter de me souvenir que d’avoir peur, ça n’est pas grave. Avoir mal non plus. Ce n’est que le pendant de notre condition d’être humain.

Après tout, quand j’ai peur, au final, ce qui se passe c’est que j’ai la poitrine qui se serre. Les cellules qui se contractent. Parfois, même, mais rarement, j’ai le souffle court et je peine à respirer. C’est très très très désagréable. Je déteste ça et je fais tout pour l’éviter. Mais je dois pouvoir vivre avec ça. Je ne suis peut-être pas obligée de courir tout le temps pour éviter cet inconfort physique. Et ma tristesse me fera probablement pleurer. Mais au final, ce n’est que de l’eau. Même s’il en coule beaucoup et longtemps. Et que j’ai l’impression de mourir par moment. Mais je ne mourrai pas. Je serai juste vivante…

Une part de moi le sait, pour l’avoir déjà expérimenté. L’autre ne le sait pas, qui a repris sa course dès qu’elle l’a pu la dernière fois que j’ai été ainsi à l’arrêt. Je veux lui montrer encore. Lui rappeler qu’une fois déjà, elle a survécu à l’arrêt et à la submersion émotionnelle.

Je veux m’engager à accepter l’inconfort.

Parce qu’alors, tout mon être saura aussi combien la joie dilate toutes mes cellules, combien l’amour les inonde de chaleur douce. Combien la paix peut aussi me remplir plus de quelques instants fugaces par-ci par-là.

Et pour accomplir tout ça, je me propose des tâches hyper difficiles dans la pratique, mais simples à envisager. Manger quand je mange, marcher quand je marche, parler quand je parle. Cesser le multi-tâche.

Diminuer ma consommation passive d’écrans. Après presque 2 semaines à biberonner à internet ou au téléphone, je ne peux que constater à quel point cela me vide de ma substance.

Cesser de me rajouter des obligations alors que personne ne m’a rien demandé (comme mon cercle de parole, que je vais mettre en pause) en plus de celles que j’ai déjà (nourrir mes enfants, les soutenir pour leurs devoirs, garder un environnement de vie décent etc!).

M’allonger ou m’asseoir de temps en temps, sans livre, sans téléphone, sans crayon… juste avec moi-même. Éventuellement un chat sur les genoux.

Je pense ce temps nécessaire – pour ne pas dire vital- pour apprendre à accueillir ce qui vient. Qui sera, comme ce qui est déjà, beau et terrible, magique par moments et incroyablement douloureux à d’autres.

Je vous souhaite de pouvoir aussi vous arrêter, au moins un peu, pour goûter la vie différemment… et je vous tiendrai au courant de mes progrès !

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Cet article a 8 commentaires

  1. Léna

    Merci ! Enfin, une invitation à l’arrêt, vraiment !…
    Au milieu de tous ces mails schizophréniques qui nous demande d’arrêter et de créer en continuant…
    Merci, moi aussi je tente l’expérience et il y a de l’inertie dans le paquebot…
    Bonne suspension…

    1. Alice

      J’espère que tu as pu réussir à t’arrêter vraiment…
      Et à redémarrer ensuite, quand et si tu en as eu envie.

  2. Coucou Alice
    Comme toi je suis souvent très angoissée ,j essaie de maitrisée le plus possible quand viens une crise ce n’ai pas toujours facile .Personnellement le confinement ne me dérange pas ,je ne sort pas sauf pour faire des courses ou aller voir mes enfants et petits enfants . Depuis le départ de Papa une tristesse sourde est la en permanence je commence juste a reprendre un peu d’activité chez moi comme le piano et la peinture ,écouter de la musique est encore difficile a supporter ma Mère aussi me manque , alors je leurs parle .
    Ces jours- ci j’ai fait comme tu l’as écrit dans ton livre du désencombrement cela fait du bien je pense continuer pour faire toute la maison petit a petit. Je m’occupe bien sur de mes animaux, chats, chien poules., cela me procure une sorte de bien être . Il m’arrive aussi d’être perdue dans les souvenirs et ces jours la je n’arrive a rien ,c’est dur de se raisonner mais il faut trouver des pensées qui soit positivent afin de surmonter les angoisses et la tristesse .Tu vas arrivée a être bien je vois que tu y travaille ,tes enfants sont prêt de toi ^ça c’est déjà du bonheur Courage pour ton combat .

  3. Laure Abécassis

    Bon plongeon… je te vois faire la planche au milieu de ton lac… enjoy

  4. Sybille R

    Coucou Alice, merci pour ce message que je rejoins totalement ! Pour moi l’abstinance des écrans s’est montrée dès le spremiers jours, l’envie de simplement sentir les éléments autour de moi et mes schémas internes. Puis le temps et ses obligations ont repris les rênes et je dois me remettre sur ce satané ordinateur… En espérant qu’il ne me mange pas trop! des bisous

  5. Violette

    Je lis ton article que maintenant. Et ça me fait du bien, l’impression que cette lecture tombe au bon moment finalement. Merci
    Je t’embrasse

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